je voyais dans la mort le seul dénoûment possible de cette tragédie inconnue. Il y a eu toute une vie emportée, jalouse, furieuse, pendant les deux mois qui se sont écoulés entre la nouvelle que me donna ma mère et votre arrivée : je voulais aller à Paris, j'avais soif de meurtre, je souhaitais la mort de cette femme, j'étais insensible aux caresses de mes enfants. La prière, qui jusqu'alors avait été pour moi comme un baume, fut sans action sur mon âme. La jalousie a fait la large brèche par où la mort est entrée. Je suis restée néanmoins le front calme. Oui, cette saison de combats fut un secret entre Dieu et moi. Quand j'ai bien su que j'étais aimée autant que je vous aimais moi-même et que je n'étais trahie que par la nature et non par votre pensée, j'ai voulu vivre. Il n'était plus temps. Dieu m'avait mis sous sa protection, pris sans doute de pitié pour une créature vraie avec elle-même, vraie avec lui, et que ses souffrances avaient souvent amenée aux portes du sanctuaire. Mon bien aimé, Dieu m'a jugé, monsieur de Mortsauf me pardonnera sans doute ; mais vous! serez-vous clément ? écouterez-vous la voix qui sort en ce moment de ma tombe ? réparerez-vous les malheurs dont nous sommes également coupables, vous moins que moi peut-être ! Vous savez ce que je veux vous demander. Soyez auprès de M. de Mortsauf comme est une sœur de charité près d'un malade, écoutez-le, aimez-le, car personne ne l'aimera. Interposez-vous entre ses enfants et lui comme je le faisais, votre tâche ne sera pas de longue durée : Jacques quittera bientôt la maison pour aller à Paris auprès de son grand-père, et vous.m'avez promis de le guider à travers les écueils de ce monde. Quant à Madeleine, elle se mariera. Puissiez-vous un jour lui plaire, elle est tout moi-même, et de plus elle est forte, elle a cette volonté qui m'a manqué, cette énergie nécessaire à la compagne d'un homme que sa carrière destine aux orages de la vie politique, elle est adroite et pénétrante. Si vos destinées