Lettre à Proust: opposition à sa vision de l'amour
Je tenais cependant à vous donner ma propre vision de l’amour, qui va à l’encontre totale de la vôtre, car si j’adhère complétement à votre style d'écriture je ne partage pas du tout votre point de vue sur le sentiment amoureux. Vous donnez en effet une vision de l’amour liée à la jalousie et à l’angoisse. C'est la vision d’un amour qui détruit plus qu’il ne crée. Swann tombe amoureux d’Odette de Crécy, et, tout au long de la lecture on le découvre se déchirer entre son amour pour elle et la jalousie qu’elle lui inspire. Il n’a pas confiance en elle, et ce sentiment d’instabilité permanent entraîne chez lui des crises d’angoisse et des actions irréfléchies. Ces deux phrases que j’ai relevées décrivent la lucidité impressionnante avec laquelle Swann analyse le sentiment amoureux lorsqu’il soupçonne Odette de le tromper avec Forcheville : « Car ce que nous croyons notre amour, notre jalousie, n'est pas une même passion continue, indivisible. […] La vie de l'amour de Swann, la fidélité de sa jalousie, étaient faites de la mort, de l'infidélité d'innombrables désirs, d'innombrables doutes, qui avaient tous Odette pour objet.» Par l’antithèse « la fidélité de sa jalousie » vous savez par exemple mieux que personne exprimer la force de la jalousie qui envahit Swann et