Les soixante-huitards ont confisqué le pouvoir
- Bernard Préel. Quatre générations coexistent au travail : la génération Mai 68 (née entre 1945 et 1954) ; la génération Crise (1955-1964), entrée sur le marché du travail lors des chocs pétroliers ; la génération Gorby (1965-1974), entrée, elle, au plus fort du chômage des cadres ; et, enfin, la génération Internet (1975-1984). Je laisse de côté ceux de la génération Algérie (1935-1944) : la grande majorité ont quitté l'entreprise ou se préparent à le faire. Pour ce qui est des conflits, il n'y en a pas de déclaré, puisqu'une génération monopolise le pouvoir celle des soixante-huitards. Mais il y a des tensions. Car ils ont beau avoir 50-55 ans, ils n'envisagent pas de passer le témoin. Comme ils l'ont fait pendant la crise, ces égoïstes trustent les meilleurs postes, suscitant des rancunes.
- Les soixante-huitards ont été égoïstes pendant la crise ?
Oui, ils ont reporté l'effet de la mauvaise conjoncture sur les autres en les excluant de l'entreprise. Les plus âgés ont été envoyés en préretraite, les plus jeunes, maintenus dans des formations parkings.
- Pourquoi accepter d'être ainsi sacrifiés ?
Les seniors de la génération Algérie, qui avaient commencé à travailler à l'âge de 16 ans, n'étaient pas fâchés de souffler un peu ! Quant aux jeunes, ils étaient prêts à faire de longues études, puisque tous leurs parents, leurs professeurs, les hommes politiques y croyaient. Ce n'est qu'après, en arrivant sur le marché du travail, qu'ils se sont aperçus qu'on les avait dupés : malgré leur diplôme, on ne leur offrait rien. Ceux de Mai 68 ont rompu le pacte historique des générations.
- Quel pacte ?
Un compromis entre le diplôme et l'expérience. Les jeunes étudiaient plus longtemps. Mais ils étaient assurés de commencer leur carrière à un salaire équivalent à celui de leurs parents (moins éduqués mais plus expérimentés)