Les poetes maudits
La notion de poète maudit apparaît vers le milieu du XIXe siècle, mais elle a été préparée par l’époque romantique.
En effet, le peuple émergent a besoin de guides pour modeler un nouveau corps social.
Et c’est Victor Hugo, chef de file du mouvement romantique, qui dessine les traits d’un poète-prophète, génie inspiré, visionnaire, un mage qui guide les hommes vers la sagesse, la liberté et le bonheur.
Cette conception de l’artiste lui impose de tenir sa place dans la société, éventuellement en s’engageant dans des combats politiques contemporains, comme ce fut le cas de Lamartine puis de Hugo lui-même, qui le paya par un exil de vingt ans, sous le Second Empire.
En même temps, parfois déçus par la politique (et ce fut notamment le cas de toute une génération, dont Baudelaire, au moment de la Révolution de 1848), les poètes réaffirment sans cesse leur autonomie de créateur et la possibilité de s’affranchir de tout endoctrinement.
Les poètes ne se posent donc pas en « représentants du peuple », ils sont bien plus que cela : des médiateurs entre Dieu et les hommes, des êtres capables de déchiffrer l’énigme de la Création pour la communiquer aux simples mortels, aveugles et ignorants.
Le poète s’identifie donc à Moïse, recevant les tables de la Loi, mais aussi au Christ, capable de donner sa vie pour sauver l’humanité.
Le Prophète est donc aussi un martyr : il est normal qu’il souffre, et l’Art est comparable à la Passion du Christ.
Dernier point, qui n’est pas sans paradoxe : capable de la plus grande compassion, le poète est aussi l’homme de la solitude absolue, condamné à un exil douloureux qui est le fruit de son altérité, de son génie radical.
Le poète est un incompris : il peut être raillé, moqué par le peuple, mais il a la puissance suprême de transformer cette exclusion en bénédiction, grâce à la poésie.
Le poète apparaît donc tantôt comme une sorte de prêtre (mage inspiré par un souffle divin, prophète conducteur de peuples, ou