Les objets dans fin de partie.
Le théâtre, à partir des années cinquante, fait un usage de plus en plus important des objets (cf. un exemple extrême avec Les Chaises de Ionesco, où les chaises prolifèrent sur la scène alors que, à l’exception des deux personnages principaux et de « l’orateur » qui arrive à la fin de la pièce, les multiples personnages censés être sur scène sont invisibles et sans voix…). Dans Fin de partie, les objets occupent une place majeure, qu’ils soient simplement évoqués dans les discours des personnages (souvent pour dire leur disparition : roues de bicyclettes, dragée, calmant, cercueils, etc.) ou qu’ils aient une présence scénique : draps, poubelles, chaise de Hamm, lunettes de Hamm, longue vue, escabeau, gaffe, chien en peluche, poudre insecticide, biscuit, réveil, sifflet, tableau retourné… Cette énumération montre à la fois la quantité d’objets et leur caractère hétéroclite : elle provoque d’emblée le sentiment d’une certaine étrangeté. S’interroger sur l’usage des objets dans Fin de partie suppose qu’on s’intéresse à leur usage scénique (qu’en fait-on sur scène ?), mais aussi à ce qu’ils apportent à la pièce en termes de sens. I. L’utilisation des objets par les personnages A. Prothèses pour des corps amoindris et affaiblis Le fauteuil de Hamm, paralytique ; son impossibilité d’uriner sans utiliser un cathéter ; la longue-vue pour pallier la déficience visuelle de Clov. Ces objets manifestent un amenuisement progressif des capacités physiques des personnages, marqués par la vieillesse, le handicap et la maladie. Mais ces objets se révèlent parfois d’une efficacité douteuse : Clov suggère à certains moments que la lunette ne sert à rien, le fauteuil de Hamm est difficile à déplacer, et Hamm ne peut donc se mouvoir seul. Cet usage des objets rappelle fortement l’univers romanesque de Beckett (par exemple, dans Molloy, le personnage principal compense en