Les molecules du siecle
Hervé ALLAIN, Université de Rennes 2, Avenue du Pr. Léon Bernard CS 34317 35043 Rennes Cedex
Cinq médicaments sont placés en tête du classement des grandes innovations pharmacothérapeutiques en ce tout début du XXIème siècle : la pénicilline, l’aspirine, l’insuline, la cortisone et la cimétidine. Ce hit-parade détone car, pour une fois, l’éclairage ne porte pas sur les dernières molécules issues des biotechnologies et de la génétique ; à l’inverse il confirme la formule choc « l’actualité c’est l’éternel ». En effet pour le médecin prescripteur, ces 5 produits restent une base solide (en terme d’efficacité, de service rendu à la collectivité [SMR !], de fréquence de prescription…) et véritablement un hymne à la pharmacologie, science définie dès 1832, époque de Magendie, comme « la description des agents dont la médecine se sert avec l’indication de leurs propriétés et de leurs usages ». Le présent palmarès enfin est rassurant puisque le fameux prix Nobel a récompensé en son temps, parfois de manière tumultueuse, ces découvertes : Kendall et coll en 1950 pour les hormones du cortex surrénalien, Macleod et Banting en 1923 pour l’insuline, Fleming en 1945 pour la découverte de la pénicilline et ses effets thérapeutiques etc…
L’intérêt majeur de tels classements et palmarès est de contraindre le médecin à relire (et à réfléchir) l’histoire, qui dans le cas présent est bien celle de l’innovation et du génie (Miller 2000), le concept clé étant que les nouveaux médicaments ont toujours été le fruit d’un long parcours, d’emprunts à de multiples autres disciplines (la chimie, la physique…), et surtout d’une sage utilisation des échecs de l’expérimentation (analyse des résultats négatifs) et surtout du hasard, la fameuse serendipity (du nom ancien du Sri-Lanka, tel que décrit dans le roman de H. Walpole au siècle dernier). La science et la thérapeutique d’aujourd’hui n’arrivent pas « toutes faites »