Les lumières
Pour les hommes éclairés du XVIIIe siècle, voyager et séjourner dans d'autres pays européens, proches et distincts à la fois, est une excellente école pour l'esprit : ils dépassent leurs propres limites par la confrontation. Le regard extérieur et désintéressé peut en effet conduire à un jugement plus lucide que celui du compatriote, facilement égaré par la routine et les circonstances. Des penseurs méprisés, voire persécutés chez eux, jouissent dans les contrées voisines d'une reconnaissance méritée. Les pays européens continuent de guerroyer entre eux, en s'infligeant des pertes douloureuses ; mais par-delà les conflits et les différences, ces pays partagent le même esprit des Lumières. Sans les Lumières, pas d'Europe
Auparavant, l'identité du continent avait été pensée sur le mode de l'unité, celle de l'Empire romain, celle de la religion chrétienne. La nouveauté de l'Europe des Lumières réside dans le fait qu'à cette époque seront reconnues et valorisées les différences entre ses parties constitutives. L'Europe est le plus morcelé des continents, disait Hume ; c'est en cela que réside sa nouvelle unité et c'est pour cela qu'elle a pu engendrer les Lumières.
C'est aussi son actualité quand on s'interroge, de nos jours, sur l'identité de cette Europe où nous vivons. Correspond-elle seulement à un espace commercial arbitrairement délimité où les barrières douanières ont été baissées ? Ou porte-t-elle en plus une conception de l'homme et de la société, qu'elle voudrait affirmer face au monde