Les avatars du mythe d'orphée chez rilke
La princesse blanche [PB] (1898/1904) et Les Cahiers de Malte Laurids Brigge [CMLB] (1904/1910) font partie d’un tournant dans l’œuvre de Rilke puisque ce sont deux œuvres qui sont postérieures à sa rencontre avec Lou Andreas-Salomé (mariée, mais restée vierge) puis à son mariage avec Clara Westhoff (peu avant la 2e version de la PB), à son départ de l’Empire austro-hongrois, mais également à une rupture avec une écriture dont il a été dit qu’elle portait un certain « évangélisme tolstoïen ». Elles s'insèrent dans la chronologie d’écriture de Rilke entre le Livre d’heures où l’auteur apparente le corps dissout de St François d’Assise à celui, lacéré, d’Orphée et les cinquante-cinq Sonnets à Orphée, ce qui semble témoigner d’une influence perdurante du mythe dans la vie de Rilke. Si Orphée n'est pas explicitement cité dans les œuvres au programme, sa perception peut néanmoins s’inscrire dans le cadre d'un « mythe en immergence » selon la terminologie de Pierre Brunel. Cependant les figures d’Orphée peuvent être multiples puisque le démembrement fait aussi partie de son histoire. Alors il faudra s’interroger sur ses mythèmes et en comprendre les incidences sur la vision artistique et les processus de création de l’auteur pour les confronter aux possibles figures de l’univers rilkéen et découvrir lesquelles peuvent se revendiquer, au sein de sa propre écriture, comme étant porteuse d’une quelconque ressemblance avec la figure même d’Orphée. En somme, comment Rilke s’est-il attribué ce mythe et ses métamorphoses et qu’en a-t-il fait au sein de son œuvre?
Orphée est un héros de la mythologie grecque et sa légende est une source d’inspiration pour moult artistes, cependant sa réalité historique reste incertaine. Comme la plupart des mythes selon Boyer il incarne « un esprit qui nous permet de comprendre notre fureur de