Ce fut dans l’une de ces chambres construites depuis un an, et chef d’œuvre du général Fabio Conti, laquelle avait reçu le beau nom d’Obéissance passive, que Fabrice fut introduit. Il courut aux fenêtres ; la vue qu’on avait de ces fenêtres grillées était sublime : un seul petit coin de l’horizon était caché, vers le nord-ouest, par le toit en galerie du joli palais du gouverneur, n’avait que deux étages ; le rez-de-chaussée était occupé par les bureaux de l’état major ; et d’abord les yeux de Fabrice furent attirés vers une des fenêtres du second étage, où se trouvaient, dans de jolies cages, une grande quantité d’oiseaux de toutes sortes. Fabrice s’amusait à les entendre chanter, et à les voir saluer les derniers rayons du crépuscule de soir, tandis que les geôliers s’agitaient autour de lui. Cette fenêtre de la volière n’était pas à plus de vingt-cinq pieds de l’une des siennes, et se trouvait à cinq ou six pieds en contre-bas, de façon qu’il plongeait sur les oiseaux. Il y avait lune ce jour-là, et au moment où Fabrice entrait dans sa prison, elle se levait majestueusement à l’horizon à droite, au dessus de la chaîne des Alpes, vers Trévise. Il n’était que huit heures et demi du soir, et à l’autre extrémité de l’horizon, au couchant, un brillant crépuscule rouge orangé dessinait parfaitement les contours du mon Viso et des autres pics des Alpes qui remontent de Nice vers le mont Cenis et Turin : sans songer autrement à son malheur, Fabrice fut ému et ravi par ce spectacle sublime. C’est donc dans ce monde ravissant que vit Clélia Conti ! Avec son âme pensive et sérieuse, elle doit jouir de cette vue plus qu’une autre : on est ici comme dans des montagnes solitaires à cent lieus de Parme. Ce ne fut qu’après avoir passé plus de deux heures à la fenêtre, admirant cet horizon qui parlait a son âme, et souvent arrêtant sa vue sur le joli palais du gouverneur que Fabrice s’écria tout à coup : Mais ceci est-il une prison ? Est-ce là ce que j’ai tant redouté ? Au