Le sujet
1/ Souveraineté classique du sujet
■ Dans le langage commun, le terme "sujet" est d’un usage très divers : il désigne indifféremment le sujet d’un énoncé grammatical, celui d’une discussion, voire d’un tableau, mais on évoque aussi les "sujets" d’un despote en opposant leur infériorité à sa toute puissance, et même le sujet d’un examen. Le recours à l’étymologie (le mot vient en français du latin subjectum : ce qui est dessous) signale l’idée de quelque chose qui est toujours "dessous", l’équivalent d’un support ou d’une substance. Dans les textes philosophiques du Moyen Âge, le terme subjectum est déjà appliqué à n’importe quelle réalité, et pas seulement à l’être humain.
■ La philosophie "moderne" (celle qui commence à la fin de la Renaissance) a progressivement spécialisé l’usage du mot, en l’opposant notamment à la notion d’objet (littéralement : ce qui est placé devant), et en y supposant l’existence d’une âme ou, de manière moins religieuse, d’une "subjectivité" caractérisant chaque individu.
■ Etre sujet, c’est se considérer comme un être libre et responsable, capable de rendre compte, notamment par la connaissance, du monde et de soi-même. Le Cogito cartésien constitue sans doute la première affirmation forte d’une opposition de nature entre l’extériorité et un "je pense" présent en tout homme – dont l’existence est garantie par l’exercice de cette pensée, quelle qu’en soit la forme ou la validité.
■ L’autonomie de ce sujet se confirme chez Kant, qui comprend le "Je" comme capacité d’unifier toutes les représentations, mais surtout comme ensemble des lois universelles a priori de la pensée (sujet pur ou "transcendantal"). En régentant la connaissance, le sujet constitue ainsi la seule version du monde accessible à l’homme. Face au sujet et en dehors de lui, il n’y a que des objets inertes, ou d’autres sujets qui ont avec lui des points de ressemblance, même si on ne peut les confondre.
2/ Ébranlement du sujet classique
■ Cette maîtrise