Le sublime chez tocqueville
Pour l’auteur de De la Démocratie en Amérique, l’idéal de la vertu ne peut s’exercer que dans un monde où non seulement la vertu est perçue comme une valeur en soi, mais aussi où les conditions de sa réalisation parfaite sont réunies. Nombreux sont les passages qui essaient de traduire, par une énumération superlative d’adjectifs précédés de l’adverbe d’intensité « très », la nécessité du règne des qualités « extrêmes » afin que puisse voir le jour l’expression achevée, sublime, de la vertu chez l’homme. Ainsi, la dernière section de l’oeuvre, Vue générale du sujet, paraît, par la place qui lui est accordée, signaler une attitude de prise de distance qui ne propose pas seulement de présenter au lecteur les conclusions d’un travail de recherche sur les caractéristiques de la société démocratique, mais aussi d’adopter un positionnement critique sur les préjugés moraux qui ont guidé l’auteur dans ses jugements. C’est que Tocqueville reconnaît sans ambages avoir admiré un monde aristocratique « rempli d’hommes très grands et très petits, très riches et très pauvres, très savants et très ignorants, se plaisant à détourner « ses regards des premiers pour ne les attacher que sur les seconds », source continuelle de joie pour un esprit épris d’idéal esthétique et moral. En choisissant à la fin de De la Démocratie en Amérique un chapitre de conclusion qui vise moins à convaincre du bien-fondé des positions morales de l’auteur qu’à observer la singularité des systèmes de valeurs structurant les sociétés, Alexis de Tocqueville indique que l’intérêt de son travail se loge sans doute davantage dans la