Le rouge et le noir
Jusqu’au moment où elle avait vu Julien, le plus grand plaisir de Mme de Fervaques avait été d’écrire le mot maréchale à côté de son nom. Ensuite une vanité de parvenue, maladive et qui s’offensait de tout, combattit un commencement d’intérêt.
Il me serait si facile, se disait la maréchale, d’en faire un grand vicaire dans quelque diocèse voisin de Paris ! Mais M. Sorel tout court, et encore petit secrétaire de M. de La Mole ! c’est désolant.
Pour la première fois, cette âme qui craignait tout était émue d’un intérêt étranger à ses prétentions de rang et de supériorité sociale. Son vieux portier remarqua que, lorsqu’il apportait une lettre de ce beau jeune homme, qui avait l’air si triste, il était sûr de voir disparaître l’air distrait et mécontent que la maréchale avait toujours soin de prendre à l’arrivée d’un de ses gens.
L’ennui d’une façon de vivre toute ambitieuse d’effet sur le public, sans qu’il y eût au fond du cœur jouissance réelle pour ce genre de succès, était devenu si intolérable depuis qu’on pensait à Julien, que pour que les femmes de chambre ne fussent pas maltraitées de toute une journée, il suffisait que pendant la soirée de la veille on eût passé une heure avec ce jeune homme singulier. Son crédit naissant résista à des lettres anonymes fort bien faites. En vain le petit Tanbeau fournit à MM. de Luz, de Croisenois, de Caylus, deux ou trois calomnies fort adroites, et que ces Messieurs prirent plaisir à