Le Rhinocéros
D’entrée de jeu, ce danger que représente la « rhinocérite » se manifeste par l’influence qu’elle a sur la façon de penser de certains personnages clés de la pièce de théâtre. À cet effet, il est incontestable de prendre en compte celle de Jean, personnage hautement articulé et ardent défenseur de l’humanité, de son bien-être et de son bon fonctionnement. Dès l’acte premier et dès l’arrivée inopinée du premier rhinocéros sur la place publique, Jean n’hésite pas à contester haut et fort son mécontentement quant à cette présence qu’il juge dès lors d’ « inadmissible » (p.35). Son jugement semble déjà forgé, puisqu’il s’évertue à essayer de convaincre son ami Bérenger de la véracité de celui-ci pour le restant de leur rencontre. Pourtant, et contre toutes attentes, les raisonnements de Jean et de Bérenger se modifient dans le deuxième acte, moins de 24 heures après leur différend : alors que Bérenger tend à l’ataraxie en s’excusant auprès de son ami et en lui offrant son soutien dans sa maladie (soudaine et inexpliquée), celui-ci rejette tout ce qui le caractérisait comme un défenseur de l’humanité (p.160):
BÉRENGER
Réfléchissez, voyons, vous vous rendez bien compte que nous avons une philosophie que ces animaux [les rhinocéros] n’ont pas, un système de valeurs irremplaçable. Des siècles de civilisation humaine l’ont bâti!...
JEAN, toujours dans la salle de bains.
Démolissons tout cela, on s’en portera mieux.
Ce