Le philosophe africain
Rencontre avec le philosophe Souleymane Bachir Diagne qui, entre Dakar, Paris et New York, éclaire de son parcours les enjeux de sa discipline sur le continent.
Présence africaine, tel est le titre de la leçon inaugurale que le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne a donnée en cette rentrée aux étudiants parisiens de l’Institut de sciences politiques (Sciences-Po). Le professeur, qui enseigne à la prestigieuse Columbia University de New York, fut lui aussi étudiant à Paris dans les années 70.
Comment devient-on philosophe sur le continent africain?
A l’occasion de la parution du numéro de la revue Critique intitulé «Philosopher en Afrique», Souleymane Bachir Diagne revisite son parcours. Celui d’un élève brillant en sciences autant qu’en lettres, né à Dakar cinq ans avant les indépendances et que la philosophie viendra presque surprendre alors qu’il se destinait plutôt à une carrière d’ingénieur.
Philosophie des mathématiques
Le bachelier arrive en France avec deux lettres d’acceptation dans ses bagages: l’une de l’Institut des sciences appliquées de Lyon; l’autre du lycée Louis le Grand, l’accueillant en hypokhâgne. Souleymane Bachir Diagne hésite… et le hasard s’invite. Il faut dire que les Humanités l’attirent, à l’époque pour des raisons essentiellement politiques:
«J’étais à gauche et je ne lisais que du Sartre. En gros… je voulais être un Sartre!»
Dans ces années 70, à Dakar, les étudiants n’ont guère de référence en matière de philosophie africaine. D’ailleurs, tous ceux qui sont de gauche refusent jusqu’à cette notion spécifique, au nom d’un universalisme marxiste de rigueur. On ne s’étonnera pas de retrouver le jeune sénégalais à l’École normale supérieure, disciple autant qu’élève de Louis Althusser, qui disait que la philosophie était «la continuation de la lutte des classes dans la théorie».
Mais l’agrégé de philosophie n’en a pas fini avec les mathématiques. Il reprend des