Le nid
Il faisait un temps radieux ce jour-là. Un temps doux et limpide, propice aux grands changements, avant-coureur de délivrance. Nous avons attendu ce moment comme la terre aride attendait les premiers nimbus. Comme ce parent inapte à la génération attendait, la main sur le cœur, une progéniture saine et compensatoire.
Depuis un temps, la rumeur avait voyagé dans les couloirs sombres de l’orphelinat, traversant les portes et les murs en double cloison et semant une sorte de joie hésitante et mitigée au milieu des pensionnaires de la maison bleue. On allait changer de gouvernante, précisément notre gouvernante. Serait-ce une autre Amitaf ?
Aibar, Dahij et Kirat se perchèrent sur leurs tabourets et enfoncèrent leur têtes contre le treillis poussiéreux, les autres incapables d’une telle manœuvre se contentaient de marmonner de confus mots synonymes d’impuissance, ou de regarder simplement les perchés qui flairaient déjà les prémices de ce changement subversif.
Amarka fit éruption dans notre maison, dépourvue de son encensoir. Ce n’était pour autant ni pour la réprimande ni pour son exorcisme habituel, mais pour nous présenter avec sa voix d’alto la nouvelle éducatrice. « Voici votre nouvelle gouvernante, elle S’appelle Amal et elle prendra dorénavant la place de Amitaf qui va partir. Soyez donc sages, ou je vous… » Sans avoir le temps de finir sa phrase, elle pivota sur ses talons, fit quelques pas et disparut dans la pénombre du couloir. Ses phrases, aujourd’hui, à l’encontre de ses discours quotidiens et fastidieux, étaient courtes et monosyllabiques. C’était une instruction bien entendu. La rumeur, en l’occurrence, c’était transformé pour notre grande surprise en réalité palpable.
C’était juste avant le petit déjeuner. Nos yeux ne quittèrent point cette jeune femme qui se tenait à droite de Amarka, car elle possédait quelque chose de rassurant, quelque chose qui avait aimanté d’emblée nos esprits. Amal laissa errer un regard lent et visiblement triste