Le mendiant
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent. Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile. Les ânes revenaient du marché de la ville, Portant les paysans accroupis sur leurs bâts. C'était le vieux qui vit dans une niche au bas De la montée, et rêve, attendant, solitaire, Un rayon du ciel triste, un liard de la terre, Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu. Je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu. Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. » Et je lui fis donner une jatte de lait. Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait, Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre. « Vos habits sont mouillés », dis-je, « il faut les étendre, Devant la cheminée. » Il s'approcha du feu. Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu, É talé largement sur la chaude fournaise, Piqué de mille trous par la lueur de braise, Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé. Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières, Je songeais que cet homme était plein de prières, Et je regardais, sourd à ce que nous disions, Sa bure où je voyais des constellations. Victor Hugo, Les Contemplations (1856)
I. La peinture du réel
a. Une scène banale On assiste à une scène d'hospitalité entre 2 personnages : une personne (le narrateur, le poète) et un pauvre très banale. Comportement civique de Hugo qui reçoit le mendiant. La scène se passe en décembre, ce qui aggrave la détresse « le givre et le vent », « le vieillard grelotait de froid » . En arrière plan du décor : " paysans accroupis sur leurs bâts ", " âne " " marché " ; scènes simples représentant la réalité quotidienne b. Un personnage très ordinaire : le mendiant Hugo emploie un vocabulaire familier pour la description du mendiant "le vieux vit dans une niche" vers 6-9. Puis le ton se modifie .La vision devient de plus en plus proche >