Le malade imaginaire acte 3 scene 12
Cette fable est la première du livre premier : ce qui ne veut pas dire qu'elle soit la meilleure. Cependant, en vertu môme du rang qu'elle occupe, elle est presque toujours la première que l'on fait apprendre aux petits enfants : comme s'il était nécessaire de prêcher l'égoïsme à un âge qui se montre fréquemment dur et cruel, parce que, dans son inexpérience, il ne sait pas encore ce que c'est que souffrir!
« Eh bien! dansez maintenant! » Voilà le trait cruel que la fourmi lance à la pauvre cigale, malheureuse par sa faute, mais malheureuse néanmoins.
Pères et mères qui faites apprendre la Cigale et la Fourmi à vos enfants, soyez sûrs que ce dernier vers est celui qu'ils retiendront le mieux et qu'ils appliqueront le plus souvent, si vous ne leur enseignez pas tout d'abord qu'il n'est jamais permis de traiter durement les malheureux, quelque coupables qu'ils soient, et que le meilleur usage qu'un homme puisse faire de ses économies, est d'en consacrer une large part au soulagement de ceux qui souffrent.
La morale de cette première fable ne court pas seulement le risque d'être mal interprétée : la fable elle-même laisse aussi à désirer sous le rapport de la clarté, comme nous le montrerons dans l'analyse suivante.
La cigale ayant chanté tout l'été...
Ce vers semble bien court pour exprimer une aussi longue période. Mais celui qui récite cette fable, peut corriger ce petit défaut en s'arrêtant sur le mot tout qui commence le vers.
Se trouva fort dépourvue, c'est-à-dire dans une grande disette; — lisez : fort dépourvue de vivres, d'aliments.
Quand la bise fui venue :
La bise est un vent très rigoureux du nord-est, qui ne souffle guère que dans la mauvaise saison : bise est donc synonyme d'hiver.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau !
En effet quand la bise souffle, on ne voit plus de mouches, et les vermisseaux sont cachés dans la terre. Il aurait fallu faire des provisions pendant l'été; la cigale n'y a point