Le Loup et l'Agneau, Jean de La Fontaine. Pot-pourri, Voltaire
Jean de LA FONTAINE (1621-1695)
Recueil : Les Fables
Mais, mon cher monsieur, disais-je, comment peut-on être à la fois si barbare et si drôle ? Comment, dans l'histoire d'un peuple, trouve-t-on à la fois la Saint-Barthélémy et les Contes de La Fontaine, etc.? Est-ce l'effet du climat? Est-ce l'effet des lois?
- Le genre humain, répondit M. Husson, est capable de tout. Néron pleura quand il f fallut signer l'arrêt de mort d'un criminel, joua des farces, et assassina sa mère. Les singes font des tours extrêmement plaisants, et étouffent leurs petits. Rien n'est plus doux, plus timide qu'une levrette; mais elle déchire un lièvre, et baigne son long museau dans son sang.
- Vous devriez, lui dis-je, nous faire un beau livre qui développât toutes ces contradictions.
- Ce livre est tout fait, dit-il; vous n'avez qu'à regarder une girouette; elle tourne tantôt au doux souffle du zéphyr, tantôt au vent violent du nord; voici l'homme. »
Voltaire, Pot-pourri, 1765.
Jean de LA FONTAINE (1621-1695)
Le Loup et l'Agneau
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne