Le langage est-il un instrument
Introduction :
Demander si le langage peut nous trahir, c’est personnifier le langage, et donc lui conférer une certaine indépendance par rapport à nous qui l’utilisons. Mais si on peut personnifier la raison, en tant qu’elle a des exigences propres qui se distinguent des exigences de mes désirs sensibles, est-ce que cela a un sens de personnifier le langage ? Le langage n’a aucune exigence en propre. Il est entièrement au service de la pensée qui l’utilise comme un instrument pour se communiquer. Mais, précisément, qu’est-ce qu’un traître ? C’est quelqu’un qui, étant à mon service, ne mérite pas toute la confiance que j’ai placé en lui, soit parce qu’il me fait défaut quand j’ai besoin de lui (mes forces me trahissent), soit parce qu’il se met au service de quelqu’un d’autre en allant contre mes objectifs (être un traître à la patrie). Nous avons peut-être ici une piste de recherche : à quelle puissance le langage va-t-il prêter ses services et ainsi me trahir ?
Nous verrons donc, dans une première partie si le langage peut me faire défaut, et, dans une seconde partie, s’il peut se mettre au service d’une puissance en moi, qui n’est pas moi.
I. Quand le langage me fait-il défaut ?
Remarque : on ne peut pas attribuer au langage la responsabilité du mensonge, de la fausse promesse, ou de la confusion de la pensée. Dans tous ces cas, le langage est le reflet fidèle de la pensée, et remplit donc son rôle d’instrument docile de la pensée. C’est celui qui me ment délibérément qui me trahit, non son langage. D’autre part, que le langage me soit indispensable ne prouve pas qu’il ne me trahisse de temps à autre. Il n’est pas besoin que le langage me trahisse systématiquement, mais seulement quelquefois, pour que je puisse dire qu’il est un traître.
Le langage me fait défaut quand je veux exprimer mes sentiments (cf. Bergson). Il travestit ma pensée, ma véritable vie spirituelle, en en donnant une image affaiblie ou déformée. Il y a