Le fait et la chose
La transcendance du fait paraît assurée. Que la lampe soit posée sur la table est un fait, singulier et unique, aussi concret que la lampe elle-même. Comme elle, il s’impose éventuellement de manière contraignante (par exemple je n’ai plus assez de place pour étaler mes notes pendant que j’écris, etc.). Comme la chose qui a son propre concept (je n’y peux rien : cet objet est une lampe et non pas un coupe-papier), le fait a sa propre identité (je vous parle de tel fait précis, pas d’un autre). Mais il faut aller plus loin en remarquant que le fait, toujours à la manière des choses, paraît transcender les points de vue qu’on prend sur lui, au point que son établissement peut s’identifier au recoupement des diverses perspectives. Le meilleur argument à propos de cette transcendance semble donné par Durkheim quand il prône l’outil statistique comme étant seul à même d’objectiver les « faits sociaux » dans leurs propriétés spécifiques, dont le comparatisme et la méthode des« variations concomitantes » donnera corrélativement le sens et l’identité.
Mais justement : s’il faut « traiter les faits sociaux comme des choses », c’est bien parce qu’ils ne sont pas des choses ! L’injonction méthodologique n’a de sens qu’à partir d’une distinction première qui va en quelque sorte de soi et que la constitution de l’objet scientifique doit, comme à chaque fois, mettre entre parenthèses. C’est qu’il faut