Le droit de rétention et l’absence de dépossession
Le droit de rétention est la faculté accordée à un créancier qui détient la chose de son débiteur d’en refuser la délivrance jusqu’à complet paiement. C’est un moyen de pression sur la volonté du débiteur qui incite à l’exécution. Par là il constitue une garantie d’une technique fruste, mais qui est douée d’une grande efficacité. Si ancien qu’il soit, le droit de rétention n’en suscite pas moins des controverses tant à propos de son domaine que de sa nature. Leur enjeu est moindre depuis que l’ordonnance du 23 mars 2006 a introduit dans le Code civil un texte reprenant l’essentiel des acquis d’une longue évolution doctrinale et jurisprudentielle.
La nature juridique du droit de rétention a longtemps suscité débat, toujours ouvert en doctrine, qui s’articule autour des deux principales questions : le droit de rétention est-il un droit réel ? Est-il une sûreté réelle ? La jurisprudence n’est pas très sure, le qualifiant tantôt de sûreté de fait (CA Toulouse, 11 février 1977), tantôt de droit réel (Civ. 1ère 7 janvier 1992). Quand à la doctrine, elle préfère ne pas se prononcer, se contentant de rappeler qu’il a « une incidence sur le régime des sûretés réelles ».
Selon la doctrine classique, le droit de rétention est fondé sur la détention, la dépossession du débiteur. Le créancier a la main mise physique sur la chose, assiette du droit de rétention. Ainsi, le droit de rétention ne pourrait pas être octroyé à un créancier dont l’assiette est un bien incorporel. Il ne pourrait pas être non plus octroyé au créancier d’un gage sans dépossession. Le droit de rétention apparaît donc clairement comme subordonné à la dépossession du débiteur.
La dépossession du débiteur se définit comme le retrait des droits de ce débiteur sur un objet. Elle intervient lorsque celui-ci remet le bien gagé au créancier ou à un tiers. L’absence de dépossession correspondrait donc à la continuation de la jouissance du débiteur de