Le conseil d'etat
Marc Sünnen
Juge au tribunal administratif
Le principe de séparation des pouvoirs connaît traditionnellement deux acceptions , la première étant celle de la séparation-spécialisation selon laquelle, chacune des trois fonctions de l’Etat est réservée à un seul organe de telle sorte qu’à une fonction correspond un seul organe. La conséquence essentielle de cette acception est que les pouvoirs exécutif et judiciaire se retrouvent nécessairement subordonnés au pouvoir législatif, puisque, par définition, le fait d’exécuter et d’assurer le respect des lois ne se conçoit pas sans l’intervention préalable du pouvoir législatif.
La seconde acception est celle de la distribution des pouvoirs, défendue notamment par Montesquieu et en vertu de laquelle les trois fonctions de la puissance publique (législative, exécutive et judiciaire) sont partagées selon des modalités variables entre plusieurs autorités concurrentes. Il en résulte qu’un même organe peut exercer deux, voire trois de ces fonctions essentielles de l’Etat, le souci principal étant avant tout d’éviter qu’une seule autorité ne détienne l’ensemble des fonctions de l’Etat.
Le modèle luxembourgeois semble de prime abord obéir au principe de séparation-spécialisation des pouvoirs, en ce qu’il répartit les fonctions étatiques traditionnelles entre différents organes indépendants qui exercent en principe lesdites fonctions à l’exclusion l’une de l’autre.
On retrouve cependant dans notre système, dès l’origine, des éléments qui relèvent davantage du modèle de la distribution des pouvoirs, tels que l’indépendance du pouvoir judiciaire ou la mise en place d’une série de contrôles et freins réciproques , la séparation des pouvoirs telle qu’appliquée au Grand-Duché de Luxembourg, quoique non formellement inscrite dans notre Constitution, étant une séparation souple et atténuée qui comporte de nombreuses relations entre le