Le cid
Le soir, lorsque les enfants sont couchés et que la nuit a volé les couleurs dans toute la maison, vient pour les jouets l'heure d'un repos bien mérité.
Finies les guéguerres sur la moquette du salon, les rase-mottes d'avion au-dessus des plantes vertes... Les poupées ferment leurs petits yeux de porcelaine, les dînettes cessent de tintinnabuler, et les petites autos rentrent au garage, sous les franges du canapé. Puis tout le monde sombre dans un profond sommeil.
Mais ce soir, dans la chambre de Kelly et Valentine, bien sagement assis sur une étagère, deux petits jouets ne trouvent pas le sommeil. Deux petits pantins de tissu et de peluche, qui ont le cœur gros ; de ne pas avoir été regardés de la journée, de ne plus plaire et d'être abandonnes, là, depuis des jours et des jours.
Les jouets sont comme ça : ils sont nés pour jouer, ils aiment rire, ils aiment que les enfants les aiment. Quelle tristesse pour eux de se sentir abandonnés !
Eh oui ! Bernie et Étincelle ont le cœur gros ce soir. Il y a trop longtemps qu'ils s'ennuient sur cette étagère, figés dans l'oubli et la poussière.
Bernie ? C'est l'ours en peluche, un bel ours brun, comme ceux de la forêt, avec de beaux yeux ronds et noirs comme du charbon, un gros nœud rouge autour du cou. Avant c'était le roi des jouets, aujourd'hui c'est tout juste s'il ne sert pas de ballon de foot ou de chiffon pour essuyer le tableau.
Étincelle est un petit pantin de tissu, joyeux et turbulent. Dans son bel habit bleu électrique, il brille comme une étincelle. Il a, bien dessiné au coin des lèvres, son éternel sourire de charme, mais le cœur n'y est plus, son habit est passé, et il a le regard triste des jouets abandonnés. Tous deux sont là, blottis l'un contre l'autre, et pensent la même chose : "Il y a tellement de jouets, et il y a tellement de jouets maltraités, ce n'est pas juste qu'il y ait tant de malheureux !"
Alors, un beau soir de pleine lune, Bernie et Étincelle ont décidé de changer