Langage et pensée
Pour nous protéger des assauts du monde, nous avons toujours la ressource de prendre refuge dans nos pensées. Le repli sur soi peut donner le sentiment que "je me comprends", parce que je me possède toujours moi-même, parce que ma pensée m'appartient, parce que j'y suis immergé. Mais cette intimité du moi est-elle vraiment intelligente et consciente d'elle-même ? Peut-il y avoir une pensée claire là où il n’y a pas d’expression ? Le repli sur soi pourrait tout aussi bien relever du mutisme et de la confusion. Il est bien facile de prétendre que l’homme peut s’exprimer parce qu’il « pense », mais encore faudrait-il que cette pensée soit consciente d’elle-même. Mais peut-elle être consciente endeçà de l’expression dans un langage ? Étrangement, la position inverse est tout aussi problématique. La linguistique, forte de ses succès, portée par la mode du structuralisme, a tenté de ramener toute la pensée au langage. Elle en vient à dire que l’homme ne pense-t-il que parce qu’il parle et qu'il est "parlé" par la langue. Mais un esprit rempli de mots et confus verbalise aussi beaucoup ! Comme l’écrit Sartre : « Il fut un temps où l’on définissait la pensée indépendamment du langage, comme quelque chose d’insaisissable, d’ineffable qui préexistait à l’expression, Aujourd’hui, on tombe dans l’erreur inverse: on voudrait nous faire croire que la pensée est seulement du langage, comme si le langage n’était pas luimême parlé ». Formulé dans une question le problème serait celui-ci: dans quelle mesure le langage contribue-t-il à la formation de la pensée ?