La ville et son expression romanesque dans bonheur d’occasion
Ledrut4 pour comprendre à quel point la ville, considérée comme une
«poétique» ou comme l'expression d'une dialectique économique et (ou) imaginaire, pose un problème, suscite des réflexions toujours actuelles car elles mettent en jeu la vie de l'homme dans son ensemble.
Ces préoccupations se reflètent tout naturellement dans le domaine littéraire, et plus particulièrement dans les romans marqués par le phénomène de l'industrialisation. Un bon exemple en est donné par le roman québécois Bonheur d'occasion qui fait apparaître de manière très aiguë les rapports conflictuels qui pouvaient s'établir dans les années 1940 entre des individus nouvellement arrivés à la ville et l'espace urbain qui les entourait.
Bonheur d'occasion, premier roman de Gabrielle Roy, paraît à Montréal en
1945 et connaît un succès reconnu en Europe puisqu'il est publié à nouveau en 1947 aux Éditions Flammarion; ce qui vaut à son auteur le prix
Fémina5. À Montréal, le livre est salué comme un roman appartenant à une esthétique dite «réaliste». Le directeur des Éditions Pascal, où est publié le roman, le considère comme «le premier bon roman réaliste».
Depuis, les critiques s'accordent à reconnaître que Bonheur d'occasion rompt définitivement avec la tradition terroiriste pour s'installer à la ville plus précisément dans le quartier pauvre de Saint-Henri6», et que par ailleurs il ouvre la voie «au roman de moeurs à incidences sociales7».
Cependant, si l'interaction du fait littéraire et du fait social apparaît évidente, on ne trouve guère, dans les travaux critiques consacrés à ce roman, d'analyse précise du problème urbain et des situations dialectiques que ce problème engendre au niveau du récit.
Parmi les articles importants, on peut citer une analyse