La tête en friche (incomplet)
Comme ça, s'il lui arrive un truc, je sais pas - tomber par terre dans la rue, ou se faire gauler son sac - je serai là. Je pourrai arriver tout de suite et pousser les gens du milieu, leur dire : Ok ! C'est bon, tirez-vous, maintenant ! Je m'en charge : c'est ma grand-mère.
Ce n'est pas écrit sur sa tête qu'elle est seulement adoptée.
Je pourrai lui acheter son journal, ses bonbons à la menthe. M'asseoir près d'elle dans le parc, aller la voir aux Peupliers, le dimanche. Et rester pour manger avec elle à midi, si je veux.
Bien sûr, avant aussi, j'aurai pu, mais je me serais senti en visite. Maintenant, ce sera par plaisir, et aussi par devoir. C'est ça qui est nouveau : les obligations familiales. C'est un truc qui va bien me plaire, je le sens.
Ça me change la vie de l'avoir rencontrée, Margueritte. Avoir quelqu'un à qui penser avec plaisir, quand je suis seul - quelqu'un d'autre que moi, je veux dire - ça fait drôle. J'en ai pas l'habitude. Je n'avais jamais eu de famille avant elle.
Enfin, je me comprends. J'ai une mère, pas le choix. Seulement, elle et moi, mis à part d'avoir été imbriqués l'un dans l'autre neuf mois, on a pas partager grand-chose, sauf le pire. Pour le meilleur, j'en ai pas souvenir. J'ai un père, aussi, forcément. Mais j'en ai pas profité bien longtemps, il a fait son affaire à ma mère, et basta. Ceci dit, ça m'a pas empêché de grandir, plutôt mieux que les autres en moyenne : quatre-vingt-neuf sous la toise, le reste à l'avenant. si mes parents m'avaient voulu, j'aurais sûrement fait leur fierté. Pas de chance.
Ce qui est nouveau pour moi, également, c'est qu'avant Margueritte je n'avais pas encore aimé quelqu'un. Je ne vous parle pas des choses sexuelles, je vous parle de sentiments sans qu'on aille au plumard après. Tendresse et affection, et confiance. Et tout ça. Des mots que