On l’appelait de tous les noms sauf du sien. Prostituée, putain et bien d’autres.
On lui prêtait toutes les aventures improbables, le facteur, le boulanger, le fils du boucher, tous les notables de la ville, de la trop petite ville. Elle était jolie, trop jolie aux yeux de toutes ces femmes qui en étaient jalouses, qui lui enviaient son joli minois sans ride, ses longs cheveux sans un fil blanc, qui ondulaient sur ses épaules trop souvent nues à leur goût, ses longues jambes fines hâlées par le soleil. La putain va se choper un cancer de la peau en plus d’une maladie honteuse, disaient-elles. Ces femmes oubliaient que les soi-disant amants étaient leur mari ou leur fils.
En plus d’être jolie, elle était gentille, malgré toutes les attaques dont elle faisait l’objet. Je l’ai découverte en maternelle. Je disais à tout le monde qu’elle était mon « namoureuse ». Nous avons partagé un banc d’école, nos friandises, nos petits secrets. Elle avait toujours les yeux rieurs et ses éclats n’étaient jamais de colère. Elle n’a jamais été mon amoureuse comme je l’espérais.
Elle devait le rencontrer ce charmant, ce prince ténébreux aux yeux de braise qui l’enflammait à chaque regard.
Sa voix rauque à l’accent du soleil lui réchauffait le cœur à chaque mot chuchoté dans le creux de l’oreille et la faisait frémir de plaisir.
Elle suivit ces yeux, cette voix pour quitter les médisances mais ne fit que les attiser de plus belle.
Je partis également comme beaucoup qui se devaient de laisser leur famille, parents, frère et sœur pour se consacrer à la construction de leur propre vie et se retrouver incognito dans une métropole.

Ma femme et moi aimons déambuler le dimanche dans la ville. Quelques mois après notre mariage, nous avions décidé de profiter des jours clairs du printemps. La marche était le seul exercice que nous pratiquions depuis que nous avions appris que nous serions parents à l’été. Nous nous sommes reposés à mi-chemin et sirotions une menthe à l’eau à la