La teinte du poisson rouge Création de français 29
Entre les cris des mouettes et ceux des profondeurs maritimes, au milieu de ce vacarme sourd et parmi la masse de mollusques muets, se faufilant à travers le bourdonnement menaçant de l’eau endormie, un jeune poisson erre sans but. Encore blanc de naissance, sa couleur se définira bientôt selon le milieu qu’il fréquentera. Terré dans les abysses, ses écailles s’imprégneront d’une teinte terne et sombre. Ou s’efforçant de se maintenir au plus près de la surface, les rayons du soleil l’empourpreront de couleurs vives. Nager vers la vérité ou dormir dans le mensonge ? De quelle couleur veut-il être ? Mais ce candide poisson n’en est pas encore à ces questionnements, il se contente de glisser silencieusement dans cette étendue bleutée. Il découvre son corps, s’exalte devant ses nageoires, les mêmes nageoires que les anciens traînent tristement, tournoie et vrille. Emporté par sa vitesse, il se cambre et se fige, jouissant des lois de pesanteurs allégées. Les secondes passent. Puis, imposant à son jeune corps une tension herculéenne, il fond vers le lointain en vrombissant. On le qualifierait sûrement de fou, mais il est maintenant seul, sans personne pour murmurer. Rien qu’un point approchant à l’horizon. Silence. Le poisson ne l’a pas remarqué, il danse toujours. Silence. Du fond de la mer s’échappe un murmure lourd et gras, comme un brouhaha de ragots venus spéculer sur le sort du jeune insouciant. Le point est encore loin. On peut à présent distinguer que celui-ci est en réalité un amas de plusieurs points, trois pour être précis. Le poisson valse, porté par les rumeurs des coquillages. Silence. Il apparaît comme épanouit dans son élément. Qui voudrait et de quel droit pourrait-on le chasser de ses eaux natales ? Silence. Ils s’approchent à vivent allure. Fendant la surface, ils bondissent de vague en vague. Les points sont maintenant assez proches pour les définir. Trois embarcations fragiles surmontées d’une masse grouillante. Trois