la sauce béarnaise
Elle ne doit rien au béarn
Mère de toutes les sauces, elle est née, comme les pommes soufflées, à Saint-Germain-en-Laye, sans même en prendre le nom.
UN PEU D'HISTOIRE
Etalé au-delà du promontoire agité des tours de la Défense, Paris n'en fait pas trop à l'horizon et se montre même un peu brouillon : du bord de la terrasse historique de Saint-Germain-en-Laye accolée à sa forêt, il est à croire que les siècles prennent soudain le temps et le donnent au flâneur qui se plaît à imaginer le passé recomposé des lieux. Il y eut là un château de rêve avec des jardins dignes, soutient-on, de ceux de Babylone : Henri IV, qui en avait été le bâtisseur, annonçait apparemment Louis XIV et Versailles. Or de l'ensemble décidé par Heuri IV il ne reste pas grand chose, le tout ayant été rasé par d'Artois, frère de Louis XVI. Une vague pudeur l'obligea sans doute à conserver le petit pavillon dans lequel Louis XVI naquit et contre lequel s'appuie le Pavillon Henri IV, devenu hôtel en fin de parcours historique entre des murs à l'âge incertain couverts d' lierre cachant pudiquement une architecture elle aussi incertaine. Le lieu a été bien fréquenté depuis le XIXe par une fort belle clientèle : Alexandre Dumas y a écrit une partie des Trois mousquetaires et il est certain qu'Offenbach en aimait l'atmosphère puisqu'il y composa quelques opérettes. L'Histoire continua à s'y faire puisque le sultan Mohammed V y obtint l'indépendance du Maroc au retour de Madagascar. Pour sa part, la petite histoire de la cuisine y est passée aussi par la parenthèse de l'invention (accidentelle) des pommes soufflées lors d'un banquet offert à Louis-Philippe. Or c'est dans ce même lieu décidément marqué que fut vraisemblablement réalisée la première sauce béarnaise, dans les années 1830, par Collinet, alors chef et propriétaire du restaurant installé là. Il se serait inspiré d'une recette proche dénichée dans La Cuisine des villes et des campagnes, un recueil de 1818.