La règle du beau et le génie
Une nouvelle idée apparaît : celle de beau. Le beau en art n'est pas de l'ordre du projet, il n'est pas représentable sous la forme d'une idée ou pensable comme fruit d'un projet. Le beau n'est pas prévu, il est découvert par l'artiste, il apparaît comme malgré lui.
Cette idée de beau indique que Alain suppose qu'une œuvre d'art est nécessairement belle et que précisément, c'est sa beauté qui en elle échappe à tout projet, à toute préméditation. En quelque sorte : tout ce qui dans l'œuvre n'est pas beau est de l'ordre de l'artisanat, tandis que tout ce qui en elle est beau est de l'ordre de l'art au sens étroit. Ce qui fait que l'œuvre est œuvre d'art, sa beauté donc pour Alain, est impossible à prévoir, à préméditer. Alain associe donc d'un côté : œuvre d'art, beauté et imprévisibilité ou non-préméditation et, de l'autre, œuvre de l'art, absence de beauté et projet, antériorité complète de l'idée sur la chose qui ne déborde pas l'idée.
C'est pourquoi il peut dire que la règle du beau, et non de l'art, mais cela revient ici au même, est prise dans l'œuvre, c'est-à-dire qu'elle n'est pas dans la tête de l'artiste, mais dans l'œuvre elle-même puisqu'elle n'était pas prévue par l'artiste. C'est cette immanence de la règle à l'œuvre qui explique son caractère intransmissible, et donc l'impossibilité de refaire l'œuvre comme telle.
Ce qui importe ici, c'est que Alain parle de règle : ce qui échappe à toute prévision, ce qui n'est pas prémédité, ce n'est pas n'importe quoi, c'est de l'ordre de la règle. Mais c'est une étrange règle : une règle, au sens technique de terme et non au sens moral, c'est une procédure qu'il faut connaître et suivre pour faire quelque chose, pour réaliser quelque chose. Elle est de l'ordre du moyen nécessaire. Or, ici, la règle n'est pas connue avant de faire, elle n'apparaît qu'après et encore de telle sorte qu'elle est inutilisable, inséparable de