La rupture ou le risque d'exister
Préface
L’Homme n’existe que quand il se choisit en rompant avec tout ce qui n’est pas vraiment lui. Seulement lorsqu’il accepte de devenir (car le premier problème est d’abord d’accepter de devenir celui qu’on n’est pas encore) un être authentique, un havre de la liberté, une source infinie de sens, une ouverture au monde; quand il franchit toutes les barrières qui l’empêchent d’atteindre le Rapport à la Vérité ; quand il arrive, enfin, à quitter la monotonie de la vie pour inaugurer l’univers de sa propre aventure dans une vie dynamique. C’est en ce moment-là qu’il commence vraiment à exister. Telle est et sera toujours la profondeur du récit Abrahamique. Abraham est un père universel, et n’importe qui peut se revendiquer de sa descendance, même s’il n’est pas de sa race, de son époque, et de son peuple. On peut se revendiquer de sa descendance, parce que ce n’est pas son histoire charnelle qui intéresse l’Humanité. Abraham, comme personnage historique, n’est qu’un homme abstrait qui ne me touche pas de près ; un certain chaldéen dont j’ignore tous les contours de la vie. Dont j’ignore d’ailleurs la tradition, la culture, l’héritage. Et de ce point de vue, je ne le connais pas et lui non plus ne me connais; je ne sais d’ailleurs que faire de son histoire, comme il ne sait que faire de la mienne. Son histoire est de très loin mon histoire… Mais, ce qui intéresse, ce n’est pas l’Abraham culturel, religieux, ethnique, enfant d’un certain peuple, parlant une certaine langue, etc. c’est plutôt l’Homme Abraham, symbole de la Rupture qu’il vient inaugurer par la foi, et qui sera l’objet de ce livre ; modèle de l’ouverture à l’existence, le Père de tous ceux qui sont appelés à devenir des pères et des fondateurs, d’une manière ou d’une autre, dans un domaine comme dans un autre. C’est l’Abraham existant, l’Abraham image de l’Homme adulte et mature ; un homme qui, par le contact avec la Vérité, est arrivé à la plénitude de l’Homme. En effet, tous ceux qui sont