La richesse et l’originalité des images dans « marie » d’apollinaire
D’une part, Apollinaire inverse les termes de l’image. Ainsi l’image de l’eau courante symbolisant le temps qui passe et donc la vie qui s’achemine vers son issue fatale est, certes, reprise avec la référence à la Seine et la redondance à valeur hyperbolique : il s’écoule et ne tarit pas (24) pour suggérer que l’eau ne cesse de couler. Et cependant le poète crée la surprise car ce n’est pas de la vie qu’il s’agit, mais de sa peine : Le fleuve est semblable à ma peine / Il s’écoule… Il met donc davantage l’accent sur les effets pathétiques de la fugacité du temps et des amours et donc humanise un thème plutôt philosophique. Par ailleurs, il pratique une autre inversion : normalement, l’ordre va de l’abstrait au concret : la vie (abstrait) est comparée au fleuve (concret) ; or ici c’est l’inverse : il va du concret (fleuve) vers l’abstrait (peine). L’image est forte car on est alors confronté à la vision d’un fleuve tout entier métamorphosé en torrent de larmes, certes, mais surtout devenu l’allégorie même de la peine !.
D’autre part, il enrichit l’image. Ainsi dans la phrase : il s’écoule et ne tarit pas, il fait allusion au mythe des Danaïdes. En effet, celles-ci étaient des jeunes femmes condamnées à verser éternellement de l’eau dans un tonneau sans fond pour expier le meurtre de leurs époux. Elles amplifient donc encore plus la tristesse du poète, et peut-être sa culpabilité, tout en lui conférant la dimension universelle du mythe. Il pratique aussi des associations surprenantes : Tes mains feuilles d’automne : les mains sont donc comparées à des feuilles, sans doute à cause de leur forme mais aussi de leur couleur claire qui fait penser à celle des feuilles mortes. De même, on remarque ainsi une vision originale du paysage d’automne : ce ne sont plus les feuilles mortes qui jonchent, recouvrent le sol, mais toutes les promesses d’amour (aveux) qui n’ont pas été réalisées qui gisent, mortes