La responsabilité de l'etat est-elle encore ni générale, ni absolue ?
L’idée que l’Etat puisse engager sa responsabilité a mis longtemps à s’imposer. En effet, pendant l’Ancien Régime et la Révolution, la supériorité de l’Etat et la spécificité de ses missions fondées sur l’intérêt général justifiaient une irresponsabilité presque totale. Alors que le Code civil de 1804 pose, pour les rapports entre particuliers, le principe selon lequel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (article 1382), la responsabilité de l’Etat n’a été formellement reconnue qu’à la fin du 19e siècle. L’arrêt Blanco rendu par le tribunal des conflits en 1873 en marque la consécration. Néanmoins, les juges ont pris soin de détacher la responsabilité de l’Etat du droit commun : la responsabilité de l’Etat est régie par des règles spéciales en raison de la spécificité de ses missions et relève de la juridiction administrative. « Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ». Selon les termes de l’arrêt Blanco, la responsabilité de l’Etat n’est ni générale (elle ne s’applique pas à tous), ni absolue (c’est-à-dire qu’elle ne s’applique pas sans réserve). La limitation de la responsabilité de l’Etat a initialement trouvé sa justification dans la spécificité et la difficulté des missions de l’Etat. En effet, le risque est grand si la responsabilité de l’Etat se trouve trop facilement mise en cause de paralyser l’action de l’Etat. Or, depuis le début