La représentation de Cyrano de Bergerac
Cyrano de Bergerac en 1897 réside dans l’audace de son jeune auteur de 29 ans, Edmond Rostand. En pleine Belle Époque, juste après la défaite de 1870, alors que natura
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lisme et symbolisme font rage sur les planches,
Rostand navigue à contre-courant
: il écrit une œuvre néoromantique de 2
600 vers qui mêle grotesque et sublime, mettant en scène un personnage inspiré du libertin du xvii e siècle, Savinien Cyrano de Bergerac, et qui émeut son public « jusques aux larmes ». Le succès est immédiat : lors de la première représentation, la salle reste debout à applaudir pendant plus de vingt minutes, quarante rappels acclament les comédiens et Rostand est immédiatement décoré de la Légion d’honneur en coulisses par le ministre des Finances alors présent. À lui seul, Cyrano incarne les illusions de la passion amoureuse, l’héroïsme patriotique d’un valeureux mousquetaire gascon au service de Louis XIII, le panache inégalable d’un poète hors du commun victime de sa laideur. Appréhender aujourd’hui le personnage de Cyrano, c’est chercher à en explorer toutes les facettes : selon les interpré
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tations, Cyrano devient aussi bien l’être blessé par sa différence que l’homme au verbe haut qui se joue des conventions pour égayer la foule.
Tout l’enjeu de ce rôle réside donc dans un équilibre à trouver entre le panache assuré, la verve comique du personnage et la délicatesse de ses sentiments blessés par une impossible réciprocité. Comédie et tragédie accompagnent ce personnage qui donne un nouveau souffle au romantisme. Lorsque Edmond Rostand donne vie à Cyrano de
Bergerac, il n’a pas conscience du fait que ce personnage à l’appendice nasal proéminent – inspiré à la fois de gravures anciennes d’Hercule
Savinien Cyrano qui avait un nez relativement long et du souvenir d’un ancien maître d’étude surnommé « Pif luisant » – va devenir une figure inoubliable de la littérature. La réaction que suscite cette parti
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