C’est à une triste fin que nous assistons, impuissants que nous sommes, face au sort d’un homme qui se laisse aller à son destin tragique, déterminé à y entraîner son peuple, incapable de renoncer à ses passions, devenu le jouet de ses ambitions. Même affalé dans son fauteuil orthopédique, Abdoulaye Wade refuse de se plier, porté par les bravades de son dernier carré de fanatiques. Il refuse d’abdiquer face à ce que tout le monde prend maintenant pour une évidence : l’impossibilité de sa candidature, malgré la vaine comédie à laquelle sont essayés ses « constitutionnalistes » étrangers. M’est revenu à l’esprit cet instant d’août 2003 où, venu lui parler pour la première fois de l’omniprésence de son fils dans les affaires de l’Etat et des menées de certains membres de son entourage, j’ai vu l’homme avec qui j’aimais commercer, transformé, me répétant toutes les minutes « mais dis donc, je suis le président de la République », comme s’il n’y croyait pas encore. Il m’a rappelé le lendemain pour organiser avec ses proches collaborateurs qu’étaient Souleymane Ndéné Ndiaye, Farba Senghor et Pape Samba Mboup, une séance qui a failli tourner au pugilat. J’ai retenu le dernier défi qu’il m’a lancé assis sur son fauteuil Louis XIV, alors qu’il avait la tête retenue au-dessus d’une chemise au col montant, la pochette bien assortie avec son épaisse cravate rouge : « Même grabataire, je me battrai. »
Abdoulaye Wade n’a renoncé à aucune de ses paroles. La promotion de Karim Wade, s’il le « veut », la liquidation d’Idrissa Seck, qu’il a « créé ». Et tous ceux qui étaient présents ce jour-là dans son bureau qu’il a nommés ministres, y compris Pape Samba Mboup, qui dégageait de la bouche des effluves de raisin fermenté qu’il essuyait avec ses bras de chemise. L’un d’eux, qui criait « monsieur le président, il a fait écrire dans les médias que j’ai enceinté une handicapée à Guinguineo », est devenu notre Premier ministre. Contre vents et marées, quitte à se faire la risée du