la peau de chagrin
Il voudrait être choisi par une femme qui n’appartiendrait pas à la terre, il se dit «né pour l’amour impossible» (143). On sait qu’il est aimé de Pauline, la fille de sa logeuse de l’hôtel Saint-Quentin, mais elle est pauvre, du moins à l’époque où il habite là-bas. Hors du confort, du luxe, des riches toilettes et des ameublements somptueux, sans une maîtresse entourée d’encens, de flatteries et d’honneurs, il n’y a pas pour Raphaël de passion concevable: l’homme doit pouvoir être fier, devant la société, de la femme qu’il aime et qui, en lui rendant ce sentiment, atteste qu’elle le met au-dessus des hommes du monde. Une maîtresse est dispensatrice de gloire autant, voire plus, que de plaisir; la félicité d’un amant, pour avoir de la saveur, doit être enviée par tous. Pauline a le désavantage d’être pauvre, et Raphaël reste donc insensible à cet amour humble:
[...], je l’avoue à ma honte, je ne conçois pas l’amour dans la misère. [...] une femme, fût-elle attrayante autant que la belle Hélène, la Galatée d’Homère, n’a plus aucun pouvoir sur mes sens pour peu qu’elle soit crottée. (142).
Le héros est ainsi poussé à préférer à Pauline la femme qui recueille à Paris le plus d’hommages et passe pour ne céder à aucun de ses soupirants: la marmoréenne Foedora, que le texte assimile à une œuvre d’art ou à «un roman» (151), semble une créature céleste, qui correspond seule au besoin d’absolu de Raphaël.
Ses rêves sont à l’image des discours d’Aquilina et d’Euphrasie, deux courtisanes rencontrées pendant l’orgie chez Taillefer et qui veulent vivre d’une existence nouvelle tous les matins, épuiser en une seule