La passager
(Extrait: p. 42-51)
Vendredi après-midi, autoroute vingt, direction Montréal. Pour ajouter à la gaieté du trajet, une pluie froide délave le morne paysage. À la hauteur de Saint-Eugène, je vois mon auto-stoppeur, toujours aussi immobile, le pouce levé à la hauteur des hanches. Seule différence : il a rabattu son capuchon sur sa tête. Je consulte ma montre : treize heures vingt, comme la semaine dernière. C'est vrai qu'il est ponctuel. Moi aussi, d'ailleurs. Est-ce qu'inconsciemment je ne cherchais pas à le revoir ? Déjà content à l'idée de lui parler pendant les dix prochaines minutes, je m'arrête sur l'accotement. Lorsqu'il s'assoit à mes côtés, tout trempé, il me lance un regard surpris et amusé. - Tiens, tiens... Il me semble que je t'ai déjà vu, toi ? qu'il me lance en enlevant son capuchon. Je lui tends la main. - C'est drôle, j'ai la même impression. Il me serre la pince en souriant, de bonne humeur, comme s'il était vraiment heureux de tomber sur moi, et j'avoue que je me sens bêtement flatté. Je retourne sur la route. Mon passager abaisse son capuchon en soupirant. Il se plaint quelques instants de la pluie froide automnale, mais je vois que cela ne le contrarie pas vraiment. En fait, il me donne l'impression de posséder un moral à toute épreuve. - Merci de me donner un lift pour la deuxième fois, Étienne. Il se souvient de mon nom. J'en profite pour lui demander le sien. - C'est vrai, je te l'ai pas dit... Un court silence, puis je l'entends prononcer : - Alex. Alex Salvail. J'ai alors l'impression qu'il me regarde et je tourne la tête. Effectivement, Alex m'observe attentivement, le visage calme mais le regard particulièrement pénétrant. - Ça te dit quelque chose ? me demande-t-il. - Non... Ça devrait ? - Je pense que