La mère Noël, Michel Tournier
Oui, Pouldreuzic allait-il connaître une trêve? C’est que l’instituteur, ayant pris sa retraite, avait été remplacé par une institutrice étrangère au pays, et tout le monde l’observait pour savoir de quel bois elle était faite. Mme Oiselin, mère de deux enfants dont un bébé de trois mois était divorcée, ce qui paraissait un gage de fidélité laïque. Mais le parti clérical triompha dès le premier dimanche, lorsqu’on vit la nouvelle maîtresse faire une entrée remarquée à l’église.
Les dés paraissaient jetés. Il n’y aurait plus d’arbre de Noël sacrilège à l’heure de la messe de « minuit », et le curé resterait seul maître du terrain. Aussi la surprise fut-elle grande quand Mme Oiselin annonça à ses écoliers que rien ne serait changé à la tradition, et que le Père Noël distribuerait ses cadeaux à l’heure habituelle. Quel jeu jouait-elle? Et qui allait tenir le rôle du Père Noël? Le facteur et le garde champêtre, auxquels tout le monde songeait en raison de leurs opinions socialistes, affirmaient n’être au courant de rien. L’étonnement fut à son comble quand on apprit que Mme Oiselin prêtait son bébé au curé pour faire le Petit Jésus de sa crèche vivante.
Au début tout alla bien.