La morale est-elle inée?
La morale est-elle innée ? (Texte de Locke)
Existe-t-il des règles morales universelles ? Des choses qui soient bonnes de l’avis de tous ? Ce qui est bon, digne, ce qui vaut et mérite d’être fait, peut-il faire l’objet d’un accord entre les hommes ? Tel est le point de départ du questionnement de Locke, philosophe anglais du XVIIe siècle, empiriste célèbre pour avoir critiqué les idées innées. Mais pourquoi poser une telle question ? La réponse n’est-elle pas évidente ? Ne va-t-il pas de soi que ce que les hommes jugent bon varie avec le temps et dans l’espace ? Oui, mais comment l’établir ? Comment le prouver ? Ce sont successivement le raisonnement, les réponses aux objections, puis les distinctions proposées qui en garantiront la certitude : le bien n’est pas le même pour tous — car le seul bien universel n’est pas un véritable bien, un bien-principe, un bien aimé, un bien inné.
Le philosophe ne se contente pas de l’affirmer. Son premier argument consiste à opposer l’histoire à l’universalité. Il suffit de remonter dans le temps, de parcourir les siècles passés pour se rendre à l’évidence : la diversité, non des moeurs, mais des biens, est la règle. Pensons aux Grecs par exemple qui considéraient la concurrence comme un bien, ou aux Spartiates qui vantaient l’habileté de leurs jeunes à voler… Son deuxième argument consolide le précédent. Il n’y a qu’à invoquer contre l’universalité de certains biens les doutes que chacun rencontre à leur sujet. Nul besoin d’être fin connaisseur de l’histoire : si le bien était universel, s’il devait être partagé par tous, il commencerait par être évident intimement à chacun — ce qui est loin d’être le cas : on doute parfois de ce qui est bon.
Locke se fait pourtant une objection. N’y a-t-il pas un bien qui soit reconnu par tous de la même manière ? Une chose que tout le monde ou presque s’accorde à faire, parce qu’elle est jugée bonne ? Locke oppose cette fois la