La loi et le bonheur
Comment faire pour être heureux ? Pouvons-nous vraiment en décider seuls ? L’idée d’une norme sociale de bonheur paraît incongrue, violente, incompatible avec ce que nous imaginons être le bonheur. La loi est autoritaire, le bonheur est choisi. La loi est commune, le bonheur est personnel. Enfin, la première régit l’espace public, tandis que le bonheur semble être une affaire privée.
Mais on oppose trop rapidement vie publique et vie privée. Notre bonheur ne se réalise-t-il pas dans la sphère publique, dont la stabilité est garantie par la loi ? Par ailleurs, nos idéaux ne sont-ils pas déterminés par la société dans laquelle nous vivons ? La capacité à choisir ses valeurs n’est-elle alors pas illusoire ? Décide-t-on vraiment de son bonheur ?
On pouvait commencer par justifier pourquoi il paraît à la fois impossible et choquant que les lois prescrivent leur bonheur aux individus. En montrant tout d’abord que la liberté est l’une des aspirations les plus profondes de l’homme. On est d’autant plus heureux que nos désirs sont moins limités. Ainsi Calliclès s’exclame-t-il dans le Gorgias que l’homme le plus heureux est celui qui peut satisfaire le maximum de désirs. C’est d’ailleurs ce que s’empresse de faire Gygès dans le mythe de Platon, une fois protégé par l’invisibilité que lui procure l’Anneau. Or, c’est bien la loi qui limite la réalisation des désirs, car comme le rappelait Freud, les lois existent pour réprimer les désirs naturels. Enfin, la liberté n’est pas seulement un souhait, c’est une propriété de la conscience humaine (Rousseau), qui subit toujours l’autorité extérieure comme un viol…
Nous avons pourtant conscience que si chacun faisait à tout moment ce qu’il voulait, nous vivrions dans un état de crainte permanente (Hobbes). Ainsi les lois semblent être le cadre extérieur indispensable à la réalisation de notre bonheur privé. Ne peut-on même imaginer un régime politique où les lois soient librement