(« la jeune veuve ») en revanche, malgré son aspect vivant et théâtralisé (avec la prise de parole directe de la jeune veuve en fin de fable, entre guillemets, pour animer la démonstration du fabuliste) assume un côté plus sérieux, ne serait-ce que dans le sujet-même de la fable, la mort et le deuil. On notera bien le champ lexical de la mort (« veuve », dès le titre, mais aussi « inconsolable », « âme », « consoler », « morts »). L’aspect grave de la fable se lit également dans la longueur de la fable, ainsi que dans le choix récurrent de formules généralisantes, avec le pronom « on » à valeur universelle (« on dit », «on le dit ») et qui permet également de faire preuve d’ironie au moyen d’une fausse prudence : derrière la précaution oratoire permise par ce « on » vague et indéfini, l’auteur est clairement critique et condamne la frivolité de cette jeune veuve ; la fable est donc satirique et moque, certes par le sourire, la vertu légère de ces veuves temporaires.
Afin de questionner les divers registres exprimés dans ces différents fables nous avons distingué textes A et B comme témoignant de la présence de registres légers (comique et burlesque), du texte C qui pour s’attirer la connivence du lecteur, met plutôt en œuvre des registres sérieux et plus matures : tragique dans la gravité, satirique dans la critique calculée et acerbe.
Il aurait été intéressant de montrer que dans le panorama des Fables de la Fontaine consacrées à des figures féminines le fabuliste ne lésine pas sur la misogynie récurrente dans son œuvre ; on aurait pu, pour prolonger ce corpus lui adjoindre un conte intégré aux Fables, qui lui aussi met en scène une fausse prude et une veuve discutable : « la Matrone d’Ephèse » (XII, 26).