Pendant les hostilités de 1914 à 1918, dans tous les pays belligérants, les peintres, comme la grande majorité des artistes et des intellectuels, mobilisés ou non, participent avec sincérité à la culture de guerre en produisant des œuvres plus ou moins patriotiques. Mais compte tenu de l’extrême brutalité du conflit, et surtout de sa durée conduisant à de cruelles désillusions, certains de ces peintres tentent de représenter ce qu’ils perçoivent de la réalité en modifiant leur style pictural. La guerre moderne doit apparaître de manière moderne. Au milieu des années vingt les mouvements de remémoration et de célébration sont au cœur des préoccupations des artistes. Dans La Guerre, Marcel Gromaire a représenté cinq soldats casqués, engoncés dans des manteaux-cuirasses, dans une tranchée: trois attendent l’assaut éventuel ; les deux autres, observent le no man’s land par la fente d’une plaque d’acier. Avec des moyens plastiques proches du cubisme, il symbolise la lutte armée à l’échelle industrielle accomplie par des hommes-robots. Ces derniers apparaissent comme figés, se confondant presque avec le paysage (seule la couleur bleu horizon de leur uniforme les distingue de la paroi de la tranchée) au point de ressembler à des blocs de pierre, des statues colossales aux formes arrondies (les équipements) et abruptes. Seules les mains ont gardé une apparence humaine. Les artistes n’échappent pas à l’évolution globale de la perception de l’affrontement et de sa terrible violence. Le temps du réalisme héroïque, des allégories patriotiques et de l’exaltation guerrière du début du conflit laisse progressivement place à diverses tentatives pour rendre compte de la souffrance et de la mort. La manière picturale se transforme, se débarrasse de ses oripeaux esthétiques, de son réalisme trompeur, les lignes se brisent, les couleurs éclatent, non pour représenter les détails du combat, mais pour donner à sentir autrement son horreur. Gromaire a peint ce tableau sept