La croix du sud
A l'instar de nombreux philosophes et universitaires (Jean-Paul Sartre en particulier), Joseph Ngoué, de regretté mémoire, s'est intéressé au théâtre et La Croix du Sud1 en est la matérialité. Publiée en 1984 aux Editions Saint-Paul (référence au catholicisme), cette tragédie classique en cinq actes s'articule autour de la thématique du racisme doublé de trahison. Bien plus, elle fourmille de nombreuses allusions bibliques notamment, lesquelles n'ont pas manqué de piquer notre curiosité. En effet, ces allusions, qui d'après Pierre Fontanier consistent "à faire sentir le rapport d'une chose qu'on dit avec une autre qu'on ne dit pas et dont ce rapport même réveille l'idée"2, établissent une connexion plus ou moins manifeste entre ladite œuvre et les Saintes-Ecritures. La religion apparaît alors comme la toile de fond de ce texte dramatique, qui sert de ferment à nos analyses. Le motif religieux participe de la création littéraire et de l'esthétique chez cet écrivain.
Dès lors, notre problématique est de savoir pourquoi la Bible fonctionne comme modèle littéraire dans cette pièce. Nous nous placerons sous l'égide de l'approche intertextuelle, laquelle démarche situe Joseph Ngoué dans le contexte du dialogisme, pour reprendre la terminologie de Bakhtine. Elle inscrit cet auteur dans un certain cosmopolitisme contemporain, cette écriture de la modernité qui stipule qu'un texte littéraire n'est pas fermé sur lui-même, mais s'ouvre sur d'autres. Afin de mettre en relief cette parenté qui existe entre La Croix du Sud et la Bible, nous examinerons les données paratextuelles et textuelles qui font allusion aux Saintes-Ecritures, tout en les analysant selon les deux dimensions du signifiant et du signifié. Elles constituent autant d'indices significatifs qui orientent le lecteur et contribuent à l'actualisation du contenu de l'œuvre du dramaturge camerounais. A en croire le poète et universitaire Fernando d'Almeida : "lire, c'est s'éprouver,