La construction sociale du corps
Ce livre dense et éclairant du sociologue Louis Chauvel, connu pour ses travaux sur la fracture générationnelle, entend dépasser le simple constat d’une fragilisation de la situation matérielle des classes moyennes. Loin d’être strictement catégoriel, le problème apparaît « central pour la société française, car l’efficacité économique, la stabilité sociale et la dynamique démocratique dépendent étroitement de la participation de ce groupe intermédiaire à la construction de l’avenir ».
Contrairement aux élites et aux couches populaires, dont les conditions de vie sont généralement bien identifiées, les classes moyennes « ne sont pas une appellation d’origine contrôlée ». À défaut d’une définition parfaite, au moins peut-on retenir les critères les plus pertinents pour les cerner : elles regroupent les salariés dont le revenu est proche du salaire moyen (1 850 euros par mois) ; elles se situent dans le milieu de la hiérarchie sociale (instituteurs, commerçants, agents de maîtrise, une grande partie des cadres et des professions intellectuelles supérieures) ; elles se définissent par un sentiment positif d’appartenance à cette catégorie.
L’examen de ces critères révèle pourtant de nombreux paradoxes. Ainsi le salaire moyen ne donne pas une réelle indication de ce que touchent chaque mois la plupart des Français. De plus, les classes moyennes se caractérisent par une hétérogénéité, une divergence de conditions d’existence « voire d’intérêts objectifs » entre les différentes professions et groupes sociaux qui la composent.
Soucieux de « mieux situer ses diversités », Louis Chauvel en vient à isoler quatre catégories de classes moyennes en croisant la variable classique de niveau (inférieure/supérieure) à la variable d’ancienneté qui oppose « anciennes » et « nouvelles » classes moyennes. Autant la première s’appuie sur une accumulation de capital, autant la seconde doit surtout sa place à la compétition scolaire et aux diplômes.