Kean, dumas
Kean, reposant à terre une chaise qu’il avait soulevée. - Oui, vous avez raison, il ya trop de distance entre nous. Lord Mewill est un homme honorable, tenant à l’une des premières familles d’Angleterre ... de riche et vieille noblesse conquérante ... si je ne me trompe. Il est vrai que Lord Mewill a mangé la fortune de ses pères en jeux de cartes et de dés, en paris de coqs et en courses de chevaux ; il est vrai que son blason est terni de la vapeur de sa vie débauchée, et de ses basses actions ... et qu’au lieu de monter encore, il a descendu toujours. Tandis que le bateleur Kean est né sur le grabat du peuple, a été exposé sur la place publique, et, ayant commencé sans nom et sans fortune, s’est fait un nom égal au plus noble nom, et une fortune qui, du jour où il le voudra bien, peut rivaliser avec celle du prince royal ... Cela n’empêche pas que lord Mewill ne soit un homme honorable, et Kean un bateleur ! - Il est vrai que Lord Mewill a voulu rétablir sa fortune au détriment de celle d’une jeune fille belle et sans défense ; que, sans faire attention qu’elle était d’une classe au-dessous de la sienne, il l’a fatiguée de son amour, poursuivie de ses prétentions, écrasée de son influence. Tandis que le saltimbanque Kean a offert protection à la fugitive, qui est venue la lui demander, qu’il l’a reçue chez lui comme un frère aurait reçu une soeur, et qu’il l’en a laissée sortir pure, ainsi qu’elle y était entrée ... quoiqu’elle fût belle, jeune et sans défense ... Cela n’empêche pas que Mewill ne soit un lord, et Kean un saltimbanque ! ... - Il est vrai que Lord Mewill, pair d’Angleterre, a son siège à la Chambre suprême, fait et défait les lois de notre vieille Angleterre, porte une couronne comtale sur sa voiture, et un manteau de pair sur ses épaules, et n’a qu’à dire son nom pour voir ouvrir devant lui la porte du palais de nos rois ... Cela fait que parfois Lord Mewill, lorsqu’il daigne descendre parmi le peuple, change de