Kant
Juste après l’instinct de nutrition, par lequel la nature conserve chaque individu, le plus important est l’instinct sexuel grâce auquel la nature pourvoit à la conservation de chaque espèce. La raison, après son éveil, ne tarda pas non plus à manifester son influence sur celui-ci. L’homme trouva bientôt que l’excitation sexuelle, qui chez les animaux repose seulement sur une impulsion passagère et le plus souvent périodique, était susceptible pour lui de se prolonger et même de s’accroître sous l’effet de l’imagination (…)
La feuille de figuier fut donc le résultat d’une manifestation de la raison bien plus importante que toutes celles qui étaient survenues antérieurement au tout premier stade de son développement. Car le fait de rendre une inclination plus forte et plus durable, en retirant son objet au sens, dénote déjà une certaine suprématie consciente de la raison sur les inclinations (…) Le refus fut l’habile artifice qui conduisit l’homme des excitations purement sensuelles vers les excitations idéales, et, peu à peu, du désir purement animal à l’amour (...)
La décence, penchant à provoquer chez autrui de la considération à notre égard par nos bonnes manières (en masquant ce qui pourrait inciter au mépris), et fondement réel de toute vraie sociabilité, fut en outre le premier signe de la formation de l’homme en tant que créature morale. Ce fut un début modeste, mais il fit époque, en donnant à la forme de la pensée une toute nouvelle orientation, et il est plus important que toute la série interminable des développements ultérieurs de la