Jeu et observation
1. De la pédiatrie à la psychanalyse
Entre 1928 et 1942, Winnicott publie une vingtaine d’articles et son premier livre (Clinical Notes on Disorders of Childhood, en 1931). On pourrait répartir ces travaux en trois grandes catégories : les articles médicaux à proprement parler, les articles psychologiques ou psychiatriques et les articles traitant des rapports entre psyché et soma. Les premiers articles de psychologie ou de psychiatre, de même que ceux qui relèvent de la problématique du rapport entre troubles psychiques et affections corporelles mentionnent assez rarement le terme de psychanalyse, et la citation du nom de Sigmund Freud ou de ses oeuvres y est tout aussi rare. Anna Freud y est évoquée presque aussi souvent que Sigmund Freud et Mélanie Klein.
L’image générale que l’on peut esquisser à partir des textes psychologiques et psychosomatiques de cette période semble néanmoins nettement kleinienne. Mélanie Klein elle-même déterminait la question fondamentale de son approche comme étant celle de l’angoisse et des destins de l’angoisse. Et à l’instar de Mélanie Klein, Winnicott semble d’abord s’intéresser aux questions de l’angoisse dans les troubles psychiques et les affections psychosomatiques des enfants. Le fait de gigoter (la bougeotte), de même que les désordres de l’appétit, de la digestion, du sommeil et les difficultés des rapports avec les parents, les sœurs et frères et les autres enfants représentent, aux yeux de Winnicott, autant de phénomènes dus à l’angoisse consciente ou inconsciente. Dans leur ensemble, ces textes témoignent donc d’une démarche qui, sur le plan théorique, pourrait aisément être attribuée à l’orientation kleinienne.
Toutefois, sur le plan clinique, une différence manifeste se fait déjà ressentir. La pratique de Winnicott se caractérise d’emblée par une sorte d’abstentionnisme. Bien que dans la plupart de ces textes, Winnicott esquisse des vignettes cliniques, l’intervention thérapeutique