Je veux peindre la fran
Qui est entre ses bras de deux enfans charge
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tetins nourriciers, puis à force de coups,
D'ongles, de poings, de pieds il brise le partage
Dont nature donnoit à son besson l'usage ;
Ce volleur acharné, cet Esau malheureux
Faict degast du doux laict qui doit nourrir les deux,
Si que, pour arracher à son frère la vie,
Il mesprise la sienne et n'en a plus d'envie.
Mais son Jacob, pressé d'avoir jeusné meshui,
Ayant dompté longtemps en son coeur son ennui,
A la fin se defend, et sa juste colere,
Rend à l'autre un combat dont le champ est la mere.
Ni les souspirs ardents, les pitoyables cris,
Ni les pleurs rechauffez ne calment leurs esprits ;
Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,
Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.
Leur conflicts se r'allume, et fait si furieux,
Que d'un gauche malheur ils se crevent les yeux.
Cette femme esploree, en sa douleur plus forte,
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte;
Elle void les mutins tous deschirez, sanglans,
Qui, ainsi que du coeur, des mains se vont cerchans.
Quand, pressant à son sein d'un' amour maternelle,
Celui qui a le droit et la juste querelle,
Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las
Viole en poursuivant l'asile de ses bras.
Adonc se perd le laict, le suc de sa poictrine;
Puis, aux derniers abois de sa proche ruine,
Elle dit, "Vous avez, felons, ensanglanté,
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté;
Or vivez de venin, sanglante geniture,
Je n'ai plus que du sang pour vostre