Incendies
INCENDIES est une pièce dont le processus de création est pour le moins innovant. Elle est écrite pendant qu’elle est mise en scène. En d’autres termes, c’est une oeuvre où l’intensité créatrice du moment scénique est commandée par la réalité des personnages comme ces derniers sont commandés par la force de ce qui est joué. C’est le rapport incessant et fusionnel de l’Imaginaire le plus personnel et de l’Histoire la plus universelle qui permet de « révéler l’acteur par le personnage et de révéler le personnage par l’acteur, pour qu’il n’y ait plus d’espace psychologique qui puisse les séparer ». « Le seul espace permettant à l’acteur et au personnage de ne pas totalement se confondre [est] celui de la fiction, du faire semblant, de l’imagination.» dit Mouawad lui-même dans l’introduction de sa pièce (Une consolation impitoyable). Et cette frontière, sans cesse transgressée, sans cesse matérialisée par les transgressions multiples qu’elle subit et permet, est cruciale puisque l’auteur a questionné ses acteurs sur leurs rêves et leurs fantasmes, car « tout désir porte en lui une vérité incontestable », pour les réemployer au service de la pièce dans toute sa complexité, son universalité qui s’incarne en chaque personnage. « Il était question avant tout d’une troupe de théâtre, avec ses techniciens et ses comédiens, qui oeuvraient pour dégager le chemin à l’écriture.» répète volontiers Mouawad. Par ce retournement expérimental et crucial, calculé, du mode ordinaire de la fiction, l’auteur, nous pouvons le supposer, entend inverser son rapport au travail de la création, lui rendre une forme orientale, fondée sur l’oralité et l’expérience. En fait, il s’agit d’intégrer à l’écrit la puissance du chant, qui sied à la tragédie !
Dès lors, l’acte d’écriture devient, plus qu’une jouissance collective, un plaisir tiré du monde et de ses crimes, ce qui est le
fondement