Histoire des peurs alimentaires
II. Histoire des sensibilités – des cultures sensibles
Compte rendu critique du livre de Madeleine Ferrières, Histoire des peurs alimentaires. Du Moyen âge à l’aube du XXe siècle, Paris, 2002.
Madeleine Ferrières, professeur d’histoire moderne est spécialiste de la culture matérielle. Elle a déjà publié plusieurs ouvrages dont Le bien des pauvres. La consommation populaire en Avignon (1600-1800), Paris, 2004 et Les Nourritures canailles, Paris, 2006. Dans cet ouvrage, enrichi par une bibliographie abondante et ayant obtenu le prix André Soubiran de MEDEC 2003, l’auteur met en exergue les peurs alimentaires collectives qui marquent note histoire culturelle. Les nombreuses réglementations – sévères ou non – permettent de préciser des peurs alimentaires diverses dans un contexte socio-historique particuliers. Ainsi, la charte de Mirepoix de 1303 hiérarchise les viandes de boucheries dans le pays Cathare au XIVe siècle. L’abattage préventif des bêtes à risque préconisé par Giovanni Lancisi au début du XVIIIe, nous renseigne sur la propagation des zoonoses (affections animales transmises à l’homme). Plus récemment, le Pure Food and Drug Act de 1906, associé au roman de Upton Sinclair, The Jungle, qui dénonce le manque d’hygiène et de contrôles des viandes découpées, débouchera sur une crise alimentaire. Le consommateur, devenu « sarcophage », l’idée de manger de la viande impropre à la consommation est impensable. Par ces différents exemples, Madeleine Ferrières montre que la peur alimentaire est une angoisse sourde mais qui n’est pas pour autant muette[1]. En effet, bien que les hommes du temps passés étaient dans l’incapacité d’expliquer leur sentiment d’insécurité, ils savaient l’exprimer. Cependant, il est difficile de dépister les peurs avant le tournant des années 1870-1900, où elles trouvent dans la presse le relais et la caisse de résonance qui vont à la fois les